Ces PDG qui sortent de leur bureau…

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En quelques jours, deux interviews de dirigeants français de grandes entreprises, m’ont reconcilié avec les Directions Générales. Il s’agit d’Alexandre de Juniac, PDG d’Air France, et Françoise Gri, PDG de Pierre & Vacances (et ex-PDG de Manpower). Leur point commun ? Ils vont tester eux-mêmes les prestations, produits et services de leur entreprise.

La solitude du PDG

Le patron d’une grande entreprise (c’est beaucoup moins vrai pour les petites) ne peut en général faire confiance à personne. Tous ceux qui le cotoient ne veulent à aucun prix perdre leur place, ou même simplement leur « rang » dans le cercle de pouvoir où ils se sont hissés. Donc, surtout, jamais de mauvaises nouvelles. On ne dit à son supérieur hiérarchique que ce qu’il a envie d’entendre. C’est à dire en général que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes« . Et d’une manière générale, plus on monte dans la hiérarchie de l’entreprise, plus on « s’arrange » avec la réalité du terrain.

Bien sûr, il y a les audits qualité internes, les certifications, les contrôles de gestion, les comités de Direction, mais pour ces PDG, rien ne remplace l’immersion en lieu et place du client. C’est le PDG lui-même qui, souvent sans se faire connaître, se fait une idée exacte du niveau de service et de la qualité de ses produits. Comme le fameux client mystère.

Les PDG masqués

Dans une interview récente, Alexandre de Juniac explique qu’il s’agit pour lui de la meilleure façon de se rendre vraiment compte de ce qui cloche. Il se met donc réellement à la place du client. Il « teste » personnellement les services d’Air France, de la réservation, au voyage en classe économique. Il raconte comment il a même photographié un plateau repas servi sur un vol et contenant… un poisson roulé. « Je me suis aussitôt dit qu’il n’était pas possible que ce soit bon. » C’est à la suite de ces observations qu’Alexandre de Juniac a, par exemple, rétabli le pain chaud et les lingettes démaquillantes (très appréciées des passagères) sur les longs courriers.

Il teste également les bornes d’enregistrement dans les aéroports parisiens. Elles sont souvent en panne et d’une ergonomie discutable. Il prend des notes qu’il adresse en direct aux différents responsables. Lors d’un comité de Direction, on lui annonce que le délai d’attente a diminué dans les centres d’appel. Il appelle alors directement devant ses collaborateurs pour vérifier. Et il scrute de la même façon les prestations de ses concurrents.

Françoise Gri, PDG de Pierre & Vacances applique la même démarche. Elle visite sans s’annoncer, dort dans une des chambres et examine avec soin tout l’environnement et la qualité du service : la propreté, le rangement, le service, la piscine, etc…

C’est aussi le cas de Barbara Dalibard, la patronne de SNCF Voyages, 7 Md€ de CA, et 30.000 cheminots. Au début des vacances scolaires, elle se rend gare de Lyon, mais de façon anonyme, avec son gilet rouge « SNCF Assistance » au milieu de la foule. Quitte à aller au contact des voyageurs parfois agacés. Peu connue au sein de la SNCF, elle parcourt les trains, attentive aux discours des contrôleurs ou des voyageurs.

L’exemple américain d’Office Depôt

Un article d’Harvard Business Review explique comment Kevin Peters, le patron d’Office Depôt pour les Etats-Unis a joué au client mystère à son arrivée pour comprendre pourquoi le chiffre d’affaires d’Office Depôt était en baisse alors que celui de ses concurrents ne baissait pas aussi vite. Il ne comprenait pas non plus pourquoi le CA baissait alors que tous les rapports du service client indiquait une « explosion de la qualité de service« . Même les « mystery shoppers » rendaient des rapports favorables.

Il a donc fait le tour de nombreux magasins Office Depôt avec une tactique identique : Il restait sur le parking pendant 20 à 30 minutes à observer les clients entrer et sortir, certains les mains vides. Kevin Peters allait même jusqu’à interroger discrètement ces clients sur le parking pour leur demander pourquoi ils n’achetaient rien. En se faisant parfois sèchement rabrouer.

Puis il débarquait dans le magasin, comme un client lambda. Dans un des magasins, il observe pendant 30 mn, un employé en train de fumer dehors, appuyé au mur, regardant les clients passer. Tiraillé entre se découvrir  ou observer, il décide de le signaler au manager qui n’était autre … que celui qui fumait dehors !

Il comprit ainsi ce qui n’allait pas. Les notations des clients mystères étaient bonnes, parce qu’on leur demandait de regarder les mauvaises choses : la propreté, le rangement, le nettoyage des toilettes. Mais combien de clients vont-ils aux toilettes chez Office Depôt ?

Il s’est donc focalisé sur ce qui a de la valeur pour les clients (et non pour le management) : réduire la taille des magasins, le besoin de services annexes, l’expédition gratuite, l’installation des ordinateurs à domicile, la formation, etc… Personne n’était à blâmer. C’est juste l’organisation qui se concentrait sur de mauvais indicateurs.

Et dans votre entreprise ?

Du point de vue des collaborateurs, on peut avoir l’impression d’un patron qui se perd dans des détails. Nous avons tous l’image rassurante du PDG, capitaine du navire et stratège infaillible. Mais c’est grâce à un Steve Jobs, et à son sens de l’expérience client, jusqu’au plus fin niveau de détail, qu’Apple est (re)devenu ce qu’il est.

Le Diable se cache dans les détails dit-on, mais les attentes du client aussi ! Ne faites confiance à personne : allez vous-même sur le terrain !

Un commentaire

  • C’est un plaisir de te lire ! Tellement simple et plein de bon sens…J’imagine que tu connais le livre Barenton confiseur qui rappelle des évidences trop souvent oubliées ! Amicalement Loïc

    Le 17 septembre 2013 21:57, Black Belt Story

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